J’écris ce blogue à chaud, à peine deux heures après que mon
avion eut touché le sol.
Mais cela fait probablement quelques jours maintenant, car
je devais attendre d’être certaine… que je n’étais pas poursuivie par ce qu’on appelle
communément une «crisse de folle».
La raison? J’aurais essayé de tuer son enfant. Avant de
capoter, je vous explique.
Ramenons-nous sur mon vol, d’une durée de trois heures. Il y
a une petite famille assise derrière moi, avec un enfant en bas âge. Aucune
idée quel âge il a à ce moment, je ne fais pas la différence entre un bébé de
trois ou onze mois.
Dès que j’ai pu abaisser mon banc, c’est ce que j’ai fait.
La mère m’a hurlé de faire attention à son bébé. Je l’ai ignorée. J’ai juste baissé
mon banc, come on. Mais pour lui faire «plaisir», j’ai remonté aussitôt mon
siège. Par la suite, j’ai eu droit à une heure trente de solo de drum dans mon
dos. Je me suis retournée quelques fois dans l’espoir qu’ils s’assurent au
moins que le petit – qui était assez petit pour ne pas avoir son propre banc –
soit au moins en position pour cesser de frapper dans mon banc. On s’entend, je
comprends qu’un enfant bouge. Mais il y a aussi moyen de limiter les coups. Me semble que l'espace est assez grand pour ne pas que ses pieds soient constamment en contact avec mon dos.
Environ à mi-chemin, j’avais la bougeotte à mon tour. J’ai donné
un coup dans mon banc vers l’arrière. Comme je le fais souvent dans un avion. Comme à peu près tout le monde fait de temps à autre dans un avion.
Erreur.
Oh my God quelle erreur.
Sans même que j’aie le temps de réaliser ce qui se passait,
la mère derrière moi (en diagonale, car j’avais le père directement derrière
moi) s’est levée de son siège et a commencé à hurler : «Non mais tu es folle!
Mon bébé! Mon bébé! Tu as frappé mon bébé!»
Alors que je me confondais en excuses, j’ai compris que leur
bébé, eh bien ils l’avaient mis sur la tablette, la tête probablement contre mon siège. Je ne m'y connais pas trop en matière de flots, mais... Depuis quand on met un bébé sur une tablette? La moindre turbulence et il se
cogne la tête, voyons. Eh bien la turbulence cette fois, c’était moi.
La mère était si incontrôlable et criait comme une
hystérique digne d’un mauvais film de série B, tellement que le directeur de vol est
accouru pour lui dire de se calmer. La scène s’est passée rapidement, mais j’ai
cru voir deux ou trois agents de bord qui tentaient de la maîtriser. S’il n’y
avait pas eu de banc entre nous, elle m’aurait déjà frappée depuis un bout. Le
directeur lui a demandé plusieurs fois d’arrêter de crier. Il lui a dit que si
elle continuait ainsi, il n’aurait d’autre choix que de la faire arrêter à sa
sortie de l’avion à Montréal.
Je vous laisse quelques instants pour imaginer la scène, tous les autres passagers ayant cessé leurs activités pour se tourner vers nous.
Par ce qu'avant de se calmer, elle a eu le temps de crier au meurtre
et d’alerter tout l’avion, mais aussi de m’invectiver en me lançant que j’étais
«folle», «que je n’avais pas de cœur», «que j’étais une sans cœur parce que je
n’avais clairement jamais accouché», «que je ne connaissais pas l’amour pour un
enfant (encore parce que je n’avais pas de cœur)» et «que j’avais volontairement
essayé de frapper son enfant».
Ben oui, c’est sûr que tout le monde s’attend à ce qu’il y
ait un enfant sur la tablette derrière lui…
Elle s’est calmée. Mais en surface seulement. Il restait une
heure trente minutes au vol. Elle a passé chacune d’elle à dire qu’elle allait
me poursuivre en justice, qu’elle allait me suivre une fois qu’on serait tous sortis de
l’avion, bref, que je paierais pour mon «crime».
Au moment de l’incident, oui, le bébé a pleuré. Mais probablement
autant pour le «coup» que pour le nombre de décibels atteint par la voix de sa
mère. Quelques minutes plus tard, il riait. Mais selon sa mère, qui n’a pas
changé de sujet du reste du trajet, j’ai «ruiné la vie de son enfant».
Toutes les insultes qu’elles avaient criées, elle les a
répétées encore et encore, à son mari. En ajoutant d'autres au passage. Mais elle répétait ad nauseam que j'étais sans cœur parce que je n'avais jamais enfanté. Comme l'avion était plein à craquer, il y avait un couple à côté de moi. La
dame juste à ma gauche m’a confirmé qu’elle n’avait pas senti mon «coup»,
mais qu’elle avait fait le saut en maudit quand la folle mère s’est agrippée
à son siège pour me crier dessus. L’homme au bout de notre rangée entendant lui
aussi toutes les menaces et a craint pour ma sécurité. On a arrêté un agent de
bord pour lui demander si je pouvais être escortée par la sécurité à ma sortie
de l’avion.
L’agente a confirmé que ce serait le cas. Il y en aurait
pour moi, et pour elle. Mais elle m'a aussi dit de ne pas m'inquiéter.
Pendant les 90 interminables minutes qui ont suivi alors qu'on survolait la côte est américaine,
la panique m’a envahie. Et si elle me poursuivait pour vrai? Est-ce qu’il y a
vraiment un procureur qui va accepter ça? Ça y est, ma vie est finie pour un
siège qui a trop bougé. Mon cœur battait comme jamais auparavant. Mon corps
tremblait. Comme ça, ça peut sembler exagéré comme réaction, mais mettez-vous à
ma place. Je ne pouvais pas bouger. Il n’y avait aucun siège de libre dans
l’avion et j’entendais se tramer un plan pour me pourchasser à l’extérieur de
l’avion sans arrêt derrière moi. Je me sentais en prison. L’avion est bien le
pire endroit où on veut avoir ce genre d’altercation…
À un moment, alors que l’enfant riait, la mère «jouait» avec son petit en chantonnant «nous, on jouait avec le bébé, on jouait avec le bébé et
BOOM la madame, elle a frappé le bébé!».
En CHANTANT. Et elle recommençait.
T’es sérieuse là?
Je stressais à l’idée de devoir marcher toute seule jusqu’à
ma voiture. Une fois l’avion à la porte, le père m’a dit, en appuyant très fort sur mon épaule avec son index : «Mademoiselle, vous
nous attendrez à la sortie de l’avion, on doit vous parler». Pendant ce temps,
la mère continuait son monologue contre moi. J’étais rendue «dangereuse» selon
ses dires. Moi, j’ai fait comme m’a dit de faire l’agente de bord. J’ai ignoré.
Mais le père continuait. Encore et encore. L’homme à mes côtés a pris ma
défense. Il s’est retourné et a dit au père «Non, elle ne vous attendra pas.
Laissez-la tranquille». Le père n’a pas aimé. Il lui a dit de se mêler de ses
affaires. Ce à quoi mon bon Samaritain a rétorqué : «Non vous, mêlez-vous
de vos affaires. C’est dangereux ce que vous faites et ce que vous dites depuis
tantôt».
Et là, encore une fois, la mère a explosé. Mais genre, EXPLOSÉ. Elle s’est mise à
hurler et à répéter avec son petit accent : «C’est ça, nous on est dangereux. On est
des vendeurs de drogue nous. C'est ça que vous pensez qu'on fait, hein! On verra qui est le plus dangereux. Nous parce
qu’on vend de la drogue ou elle. Elle qui a essayé de tuer mon bébé. Elle a voulu
tuer mon bébé de neuf mois cette sans cœur sans enfant».
Eh oui. C’était rendu là. J’avais alors essayé d’attenter à
la vie de son bébé. En reculant d’un coup sec mon siège d’avion, je vous le rappelle.
Le directeur de vol s’est alors placé de façon à ce que je
puisse sortir de ma rangée sans que la famille me suive. Elle criait qu’elle n’allait pas
laisser ça comme ça. Moi, je voulais quitter l’aéroport au plus vite. J’avais
honnêtement peur qu’ils me suivent!
Il y a eu un problème de communication et la sécurité
n’était pas là à ma sortie. L’agent de bord qui me suivait a indiqué à celui
qui était à la sortie que j’avais été victime de menaces et que je devais être
escortée. Mais ils n’avaient personne. L’agent m’a dit de suivre sa collègue…
qui poussait un fauteuil roulant. Moi je voulais juste courir. Disons qu’on
n’allait pas à la même vitesse.
Une fois en haut, j’attendais avec l’agente – et la dame en
fauteuil qui trouvait que c’est moi qui faisais pitié... Un autre agent est
arrivé pour prendre la relève. Il m’a expliqué qu’on avait le champ libre
puisque la famille était en train de remplir le rapport. Ils n’avaient pas le
choix, ils ont dû faire une intervention contre la dame en vol. Il m’a dit «ne
t’inquiète pas, c’est une hystérique. Elle est venue me voir en vol à l’arrière
et je lui ai dit de retourner à sa place, car je ne voulais pas l’entendre». Il
est resté avec moi et on s’est dépêchés à sortir. Il m’a même fait passer aux
douanes avec lui, dans la file des diplomates et des membres d’équipage. Sans m'en être rendue compte, j'avais rempli ma déclaration à moitié. C'est qu'en vol, j'avais juste tellement peur qu'elle voie mon nom! J'en avais oublié d'écrire mon adresse et tout le reste... Heureusement le douanier m'a rapidement fait passer.
À la sortie, l'agent qui m'accompagnait devait aller prendre l'autobus pour
le stationnement. Je ne pouvais pas vraiment lui demander de me suivre, puisque ma voiture était dans le stationnement intérieur.
On a donc demandé à la sécurité de l’aéroport d’envoyer quelqu’un pour
m’accompagner.
C’était long. J’avais peur d’attendre si longtemps que la
famille sorte et me voie. L’agent est arrivé. Il n’avait évidemment aucune idée
de ce qui se passait, alors je lui ai dit rapidement de me mener à ma voiture,
que je lui expliquerais en chemin.
Il avait l’air perplexe. Il m’a demandé si je voulais porter
plainte. Je n’en avais pas envie. Je voulais juste être de retour chez moi.
J’en «shakais» encore. Après avoir dit que ce n’était habituellement pas dans
sa définition de tâche, il a fini par me suivre. Pas le choix, un peu plus et
je le traînais de force! Il a demandé mes pièces d’identité pour remplir son
rapport. Je lui ai fait jurer qu’il ne pouvait pas donner mon nom au duo qui
était à mes trousses. Il m’a promis que non.
Mais une fois à ma voiture, il m’a dit, en portant son walkie-talkie à l'oreille : «Attends un instant.
J’ai un appel… pour toi. Ils veulent porter plainte contre toi». Je ne
comprenais pas. Pas question que je retourne les voir, oh non! Il a tenté
d’expliquer ma version à son collègue avec sa radio, mais il n’entendait pas
bien. L’agent qui m’accompagnait lui a dit qu’il me laissait aller, qu’il avait
mes coordonnées et tout. Il m’a alors dit : «Ils veulent porter plainte
contre toi. Je vais y aller. J’entendais crier derrière. Mon collègue a besoin d’assistance».
Il m’a demandé s’il voulait qu’on me rappelle. J’ai dit que
je voulais seulement avoir la certitude que ce cauchemar serait rapidement
terminé. Pas de plainte, pas de poursuite, le retour du gros bon sens
finalement.
Je suis partie. Et j’ai éclaté en sanglots une fois chez moi
quand la pression est retombée.
Je n'ai eu aucune nouvelle depuis. J'imagine que je n'en aurai pas. Du moins, je l'espère! Faut dire que ce serait étonnant qu'une quelconque personne en position d'autorité prenne cette cinglée au sérieux...
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